Alors que la tendance actuelle est à la résurrection numérique de personnalités décédées, la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 31 janvier 2018, réaffirme sans surprise que le droit à l’image s’éteint au décès de son titulaire.
Faisant régulièrement l’objet de décisions judiciaires, les enregistrements d’Henri Salvador se retrouvent une nouvelle fois devant les juges du Quai de l’Horloge.
Une société de production musicale a exploité et commercialisé des compilations de l’auteur avec l’image de l’artiste, au moment des faits décédé, reproduite sur les pochettes des disques édictés.
La veuve et légataire universelle d’Henri Salvador reprochait donc à la société de production musicale d’avoir, sans son autorisation, exploité et commercialisé l’image de son défunt mari et d’en avoir tiré un profit pécuniaire à son détriment.
Selon la requérante, le droit à l’image revêt une dimension patrimoniale et peut, dès lors, être transmissible à cause de mort, tel un bien monnayable en raison de sa qualification de bien. Tel était ici l’argument développé dans le moyen du pourvoi.
Or, la dimension patrimoniale du droit à l’image est bien écartée par les juges de la Haute Cour qui relèvent que le droit à la vie privée, et plus spécialement le droit à l’image, en tant que droit extrapatrimonial n’appartient qu’aux vivants. A ce titre, est incessible, insaisissable et intransmissible entres vifs et à cause de mort.
En effet, l’article 9 du Code civil, et par extension l’article 8 de la CEDH, consacre le droit pour toute personne quelle que soit sa notoriété, au respect de sa vie privée ainsi qu’à celui de disposer de son image. Ce droit permet notamment à l’individu de s’opposer à toute diffusion réalisée sans son autorisation. En tant que droit de la personnalité, extrapatrimonial, il s’éteint au décès de son titulaire et est intransmissible aux héritiers.
Cette décision ne constitue, à ce titre, qu’une nouvelle illustration de la portée du droit à l’image.
En revanche, du vivant l’artiste, ce dernier avait obtenu gain de cause pour atteinte à son image en raison de l’utilisation sans son autorisation d’une photographie, qui plus est de mauvaise qualité, le représentant sur des pochettes illustrant une compilation de ses chansons. Les juges avaient expressément retenu que tout individu a le droit de s’opposer à la reproduction de son image hormis le seul cas de l’exercice de la liberté d’expression. Or, selon les juges, la reproduction d’une photographie sur une compilation constitue bien un acte d’exploitation commerciale et non l’exercice de la liberté d’expression. Dès lors, toute exploitation de l’image est soumise à l’obtention d’une autorisation préalable[1].
Les juges n’auront cependant pas eu la même clémence envers la veuve de l’artiste dans cette affaire, aux faits similaires, en rappelant que « le droit à l’image, attribut de la personnalité, s’éteint au décès de son titulaire et n’est pas transmissible à ses héritiers ». Les juges ont, pour justifier leur décision, exclu la nature patrimoniale du droit à l’image en retenant qu’il n’existe pas de droit à l’image post-mortem.
Une telle solution, loin d’être restreinte au cas d’espèce, permet de tracer une frontière dans les modalités d’utilisation de l’image d’un artiste vivant ou décédé.
Par Sofia Schein
Stagiaire du cabinet entre avril 2018 et juillet 2018.
[1] Cass. civ. 1re, 24 sept. 2009, no 08-11.112